A présent, nous allons avoir trente minutes de débat. Un régal. Une orgie de discours aura-t-elle lieu? Bien sûr tout le monde n’aura pas la parole. Mais chacun aura une interminable minute pour s’exprimer. Quel est le sujet de ce débat ? Il n’y en a pas. Chacun parle de ce qu’il veut. De toute façon il n’y a pas de réponse prévue. Le premier qui commence parle du sport et de la bonne santé. Trop long. Toc ! Coupé en route. Personne ne s’en rend compte. En effet, dans l’hémicycle c’est de nouveau l’ambiance de la place Jamal’fna à Marrakech. Tout le monde parle en même temps ! Heureusement beaucoup sont déjà sortis quand mon collègue communiste portugais prend la parole pour protester contre ce qui se passe au Honduras. Tout ce que le président trouve à lui dire est qu’il a dépassé son temps d’une minute de vingt trois secondes. Celui-là va sans doute nous parler avec des trémolos mouillés dans la voix de l’oppression soviétique et tout le tra la la. Comme elles étaient dures les dictatures avant! Et comme elles sont embarrassantes aujourd’hui avec toutes ces secondes perdues à en parler. Même molle indifférence sur les bancs et à la tribune des grands défenseurs de la liberté quand un orateur fait le tableau de la situation des populations sans défense de la bande de Gaza. Tout à l’heure ils iront verser leurs larmes de crocodile sur les ruines du mur de Berlin. Il n’est de bons murs lamentables que d’hier et déjà abattus. «Nous avons eu trente neuf interventions en quarante minutes. C’est un bon débat», déclare le président à la fin de cette scène. Je félicite les intervenants.» A présent il complète : «Je crois que la commission doit tenir compte de ce qui vient de se dire car sinon notre parlement ne serait qu’un défouloir. Je suis certain qu’elle va le faire car j’ai vu que la commission écoutait avec grand soin ce qui se disait.» minaude-t-il « Et maintenant nous allons entendre une déclaration de la commission sur l’automobile et notamment la situation avec Ford ». Suit un nouveau morceau de bréviaire libéral sans signification particulière autre que de réciter les platitudes que l’on connait par cœur. Le commissaire qui fait des phrases est censé être chargé des affaires sociales. Il défend le marché et l’interdiction des aides et le refus du «nationalisme économique qui n’a pas sa place dans notre union» et ainsi de suite. Pour ce qui concerne le social, le bréviaire dit que les sacrifices d’aujourd’hui, nécessaires et indispensables, seront récompensés demain par des emplois. Tout juste comme on le fait en travaillant pour son salut éternel en souffrant aujourd’hui. Donc je fais une pause dans mes notes. A quoi bon continuer. Personne ne peut répondre à ce monsieur. Et si par hasard c’était le cas, on aurait droit à un temps d’une minute ou bien quarante secondes ou je ne sais quoi d’aussi grotesque. D’ailleurs quand commence la série des intervenants on a envie de pleurer. Même la Verte ne dit rien sur la place de la voiture dans l’économie du futur et se limite à des sornettes sur les emplois durables grâce aux vertus du marché. L’allemand de droite qui intervient fait l’apologie des productions de Ford et couine que la commission doit se prononcer sur le plan proposé par son gouvernement «dans un délai raisonnable». Au passage, toc, il jette un pétard ! Voici lequel : « j’espère que ce ne sera pas comme pour les banques, quoique dans ce domaine nous avons pu observer des délais très variables allant de vingt quatre mois pour les banques allemandes à vingt quatre heures pour les banques hollandaises ». Goddam ! Joli revers ! On sourit sur les bancs. Aussitôt un député de droite portugais lève un carton bleu. « C’est la nouvelle procédure, se réjouit le président, avec votre permission votre collègue va vous interrompre pour vous interroger». Ca c’est la trouvaille. Comme le gouvernement ne répond à aucune question, les députés s’interrogent entre eux ! On va voir comment. Pour l’instant, le gars de la droite allemande n’a pas l’air spécialement réjoui : « bon d’accord, maugrée-t-il, si ça ne m’enlève pas du temps de parole» «Non, non, n’ayez crainte vous conservez vos douze secondes restantes, s’excite le président ». Aussitôt le portugais décharge sa question qui tue : «vous avez parlé d’un délai raisonnable, pouvez vous nous dire à quel délai vous pensez ?». «Merci cher collègue, s’extasie le président ! Nous voyons bien que la nouvelle procédure permet un débat beaucoup plus vivant car il faut bien dire que sinon ces débats étaient un peu ennuyeux dans le passé !» Le portugais est rouge de plaisir. L’allemand applaudit. Ces minauderies ont enfin leur terme ! «Vous avez la parole pour douze secondes encore, allez y cher collègue» relance le président. Etourdissant, non ? Je pense que nous atteindrons bientôt la densité d’une polémique dans un bureau des pompes funèbres. Je raccroche. Si j’avais su, j’aurais fait l’aller retour avec Paris et ma vie aurait eu un sens pendant plusieurs de ces heures inutilement anéanties à fournir le décor de cette pantalonnade.
9/21/2009
A quoi sert donc un député européen ?
Réponse trouvé sur le blog de Méluche, c'est comme d'habitude avec mon sénateur préféré très drole et très éclairant. Il aurait sans doute fait un bon prof celui là.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire