11/02/2009

Le régne par le dégout

Petite digression suite à une soirée philo et politique en milieu éthylique.
Le cadre de cette découverte est une discussion avec X. sur les derniers déboires de notre camp politique et l'éducation au collège en particulier à la pensée critique.

J'avais déjà formulé ici l'incompatibilité entre le temps politique ( et législatif en particulier) avec le temps médiatique. Cette différence ouvrant à celui qui domine le mieux la communication de masse les tactiques du type "chiffon rouge" qui mobilise les (rares) interventions médiatiques de l'opposition sur un sujet aussi trivial que répugnant (tests adn) pendant que le reste du débat / de la loi passe sous le tapis.

J'avais aussi parlé du flux permanent d'informations (en particulier télévisuel) et de son effet sur l'esprit rendant celui ci amnésique à force de sollicitations. Amnésie permettant entre autre des abérations politiques comme la réélection de Chirac (sur un bilan catastrophique et la posture de "rupture" avec l'ordre ancien de Nicolas Sarkozy.

J'avais aussi deviné la démotivation de certains de mes camarades politisés face à la décomplexion dont fait preuve la droite française dans l'affirmation des ses valeurs teintées de poujadisme,racisme,népotisme et corruption (Berlusconni en italien, pratique n'est ce pas ?). Entrainant le réflexe du type : "Hé bien si ces connards on voté pour eux et bien je leur laisse, moi je retourne à mes livres et je me débrouille pour esquiver les coups" que vous pourrez traduire par un abandon progressif de leur luttes personnelles pour un repli commode au sein de leur sphère privée.

Ce soir là a émergé des volutes de la discussion un bien triste dessein. Je n'avais en effet jamais perçu à quel point ces trois observations s'emboitait parfaitement pour faire l'arme qui tue toute tentative de contestation publique en France et tout développement de la pensée critique à l'échelle de l'homme de la rue (comprendre le péquin moyen qui ne lit pas déjà Badiou).

J'appellerais ceci "Règne par le dégout" et c'est à mon sens un outil majeur en royaume de Sarkozie.

Le peuple, ses représentants élus, ses associations, ses journalistes (engagés ou non) sont perpétuellement soumis à un feu nourri de saloperies législatives (en novlangue: réformes) et autres scandales/faits divers médiatiques avilissants (Jean-Sarkozyte A,affaires-en-gate, polémiques religio-identito-racistes,meurtres avec récidive, lisez la une du monde vous en verrez de quoi il s'agit cette semaine).

Chaque balle de ce torrent de fer crée un bref point de fixation dans le temps de l'argumentation. Le débat se crée, des opinions sont formulées, l'intérêt du public accrochés (indignations-vociférations pour celles qui marchent le mieux dans l'audimat) et paf on passe à autre chose. La discussion actuelle est suspendue dans le temps et disparait remplacé immédiatement par un débat (si possible encore plus dégoutant) et c'est reparti...

Vous l'aurez compris l'opposition n'est pas créé elle est dépassée. Le dialogue point mais ne se fait pas. La puissance du flux assurant par sa seule force l'amnésie immédiate. Les médias dominants ne revenant pas (par nature) sur les sujets une fois ceux ci "traités" l'amnésie passe aussi sur le mode du long terme (qui se souviendra du prince Jean dans deux ans ?).
Je craint que sur ce seul terreau la pensée critique ne puisse se développer (Et c'est le seul pour pas mal de monde).
Seul subsiste une fois la vague passée un vague sentiment de dégout dans le peuple dont le cœur penche à gauche. (oui je cède ici à un certain lyrisme)

Quelques autres conséquences découlent de cet état de fait.
L'étayage critique (et donc le développement idéologique) n'étant pas permis, on assiste lors des séquences politiques plus intenses (référendums, élections) à l'absence totale de débats de fond (qui en l'absence d'idéologie n'intéresse pas la masse) et au déferlement de la politique politicienne (qui soutient qui contre qui au sein des partis) et aux petites phrases/idées mijotés au sein du chaudron médiatique jusqu'à la nausée. (Renforcement du pouvoir du communicant contre l'intellectuel, de l'affect face à l'intellect).
Le public n'étant pas crétin il déserte de plus en plus ces pantomimes démocratiques.(abstention).
On aurait put espérer un salut de la part des vecteurs alternatifs d'idées politique.(Comprendre ici: déplacement du "lieu" des débats dans des associations ou des conférences et amis casses couilles politiciens amateurs de canapés.. je ne vise personne).
Mais bon nombre des initiateurs habituels de ces vecteurs ceux ci sont:
A aussi victime du phénomène (faut pas se leurrer).
B rentrés dans leurs coquilles et préfèrent finir cette bouteille de blanc que remettre une couche de rouge sur ce joli orange que vous abhorrez.
C Toujours d'attaque mais pas assez nombreux.
(D en train d'intriguer au parti socialiste.)

Dans ces conditions l'acquisition d'une pensée critique cohérente (la résultante de l'échange des idées) passe par d'autres mode d'acquisition du "savoir" critique ainsi que deux ou trois réflexes salvateurs:
-Observer de la défiance vis à vis du torrent (par exemple esquiver ce coup ci l'identité nationale)
-privilégier la lecture plus propice à la réflexion que l'audio ou le vidéo.(ET la une du Monde ne suffit pas, achetez moi ce putain de monde diplo,lisez le figaro et l'huma aussi et de temps en temps un livre politique )
-vous créer des points de fixations si quelque chose vous interpelle, laissez tomber le reste et continuez à creuser/diffuser/(éventuellement lutter) après le passage de la vague. (Merci a A.Badiou pour cette idée lumineuse qui permet entre autre de pas lâcher le morceau face à l'assaut)
-le développement de la critique (et de la discussion politique) à l'école (rires) et partout ailleurs du salon de ton oncle jusque dans ton putain de Facebook.

Le militant n'est pas plus savant il est simplement plus cohérent et conséquent (et plus casse couille et en plus il finit sans broncher vos meilleures bouteilles)

3 commentaires:

  1. Cette réflexion me trottais plus ou moins dans la tête depuis un mois (avec pour exemple tout le rafus autour de la grippe A, subitement oubliée pour passer à un autre sujet d'actualité...on ne devais pas tous mourir dans d'atroces souffrances ?) et tu viens de le formuler, donc merci ;)

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  2. Boudiou !!! Que c'est beau !!! Allez hop, je coche "visionnaire", "approuvé" n'étant pas assez fort pour exprimer ce que je ressent... Re-boudiou !!!

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